Montréal (municipalité de ville). Scandales. Affaire du contrat de gestion de l'eau et des compteurs d'eau

Un article de la Mémoire du Québec (2022).

  • Institution citée dans cette entrée


BPR (firme de génie conseil). En 2004, BPR obtient de la ville de Montréal un contrat d'une durée de 10 ans pour superviser un projet de gestion de l'eau (préparer les plans et devis). Le 22 octobre 2009, il est révélé que Dessau et BPR ont contribué à l'Équipe Labaume de Régis Labaume, maire de Québec. Leo Housakos, nommé sénateur conservateur en 2009, est un employé de BPR. Jean D'Amour, ancien président du Parti libéral du Québec-PLQ, a été maire de Rivière-du-Loup de 1999 à 2007 ; il a agi comme directeur du développement des affaires de la firme BPR jusqu'à ce qu'il présente sa candidature comme député libéral de Rivière-du-Loup en mars 2009. En octobre 2009, l'agence Presse canadienne révèle que la firme BPR a obtenu un contrat de 1,4 million $ de la part de la société fédérale Ponts Jacques-Cartier et Champlain dont un administrateur, Serge Martel avait participé à une activité de financement du Parti conservateur du Canada organisée par le sénateur Housakos. Le 26 janvier 2010, le Commissaire au lobbying rapporte qu'il a constaté 84 violations à la loi québécoise sur le lobbying et qu'il a identifié 13 personnes qui auraient agi comme lobbyistes pour la firme BPR et que 3 dirigeants séniors de BPR avaient négligé d'enregistrer les personnes qui agissaient comme lobbyiste au nom de la firme ; le Commissaire a soumis son rapport au directeur des poursuites criminelles et pénales et lui a demandé de prendre les actions appropriées. Le 9 octobre 2010, le Devoir révèle que la firme BPR qui compte 1 600 employés a été vendue à l'entreprise américaine Tetra Tech.


  • Éphémérides -


2004 La ville de Montréal accorde un contrat de 10 ans à la firme d'ingénierie BPR pour superviser la gestion de l'eau.
2005 La ville de Montréal décide d'installer des compteurs d'eau dans tous les édifices non-résidentiels situés sur son territoire. La ville confie à la firme d'ingénierie BPR la préparation des devis pour un contrat de gestion de l'eau sur l'île de Montréal.
2006
(6 mai 2006) Les paramètres du projet sont établis : le projet devient un projet de gestion de l'eau comprenant deux volets : 1. installation des compteurs dans les édifices commerciaux et industriels. 2. travaux d'ingénierie et installation d'équipements sur les conduites principales souterraines pour contrôler et ajuster la pression selon la demande.
(Juin 2006) La ville publie un appel de qualification des entrepreneurs intéressés à installer et entretenir les 32 000 compteurs d'eau ; il y est spécifié que l'entrepreneur choisi devra financer le travail d'ingénierie et tous les équipements et systèmes pour la partie contrôle de la pression ; il y est également spécifié que les soumissionnaires devront proposer une structure de financement pour l'installation des compteurs d'eau.
2006 Quatre groupes démontrent un intérêt à obtenir le contrat : le groupe français Veolia (anciennement la Générale des Eaux, France), un consortium formé de SNC-Lavalin, Gaz Métro et Suez (anciennement la Lyonnaise des Eaux, France), le groupe formé de F. Catania et associés et la firme d'ingénierie SM (Bernard Poulin), le groupe formé de Simard Beaudry (Antonio Accurso) et de la firme d'ingénierie Groupe Dessau de Laval sous le nom de GéniEau. Le groupe français Veolia est disqualifié pour des raisons de financement.
2007 L'appel d'offres définitif est lancé. Le groupe dirigé par SNC-Lavalin décide de ne pas offrir ses services.
(Avril à octobre 2007) Quatorze changements sont apportés aux devis original.
(11 septembre 2007) Rencontre de fonctionnaires et de soumissionnaires au cours de laquelle certaines dispositions des devis sont discutées ; il n'y aurait pas de rapport écrit de cette rencontre et il est impossible d'en identifier les participants.
(14 septembre 2007) Pour donner suite à la rencontre du 11 septembre, la ville apporte entre autres les changements suivants :

1. La ville paiera 90 % de 285 millions $ pour l'équipement, son installation et la construction des infrastructures au moment de la livraison et le reste, un an plus tard ; la ville paiera 70 millions $ en paiements mensuels sur une période de 25 ans pour les services d'entretien et de réparation du système alors que le devis original spécifiait que la ville paiera à l'entrepreneur une mensualité pendant 25 ans pour l'achat et l'installation de tout l'équipement, les accessoires et certains travaux de construction demandé dans l'appel d'offre.
2. L'entrepreneur choisi sera obligé de fournir 90 % des rapports journaliers pour 85 % des jours dans un mois ; ces pourcentages étaient respectivement de 95 % et de 90 % dans le devis original.
L'entrepreneur choisi sera tenu de maintenir et remplacer les compteurs pendant 15 ans au lieu de 25 ans comme prévus dans le devis original.
3. Les équipements de télécommunication seront la propriété de l'entrepreneur choisi et non de la ville comme le prévoyait le devis original qui disait que tous les équipements fournis par l'entrepreneur seront la propriété exclusive de la ville qui pourra en disposer comme elle le voudra.

(Octobre 2007) Seulement deux consortiums proposent d'exécuter le contrat. Le consortium F. Catania SM et GeniEau. Le prix offert par le consortium formé de F. Catania et Associés et de la firme d'ingénierie SM (Bernard Poulin) est de 395 millions $, alors que le consortium GéniEau formé de Simard-Beaudry (Antonio Accurso) et de la firme d'ingénierie Dessau propose le prix de 355,8 millions $. Ce contrat est le plus important contrat à être accordé par la ville de Montréal depuis sa fondation.
GéniEau obtient le contrat d'installation

(Novembre 2007) Le Conseil de ville de Montréal ne prend que 53 secondes pour approuver unanimement l'octroi du contrat à GéniEau au prix total de 355,8 millions $ pour l'installation de 32 000 compteurs d'eau (100 M $) dans les commerces, industries et institutions de l'île de Montréal et 600 chambres de vannes (40 M $), cubes de béton équipés d'accessoires mécaniques (100 millions $) pour déceler et identifier les fuites d'eau dans le système d'aqueduc de Montréal pendant 25 ans et l'installation d'un système de communications (70 millions $). Deux jours plus tard, les 15 villes de la banlieue de l'île de Montréal votent contre le projet de la ville de Montréal.

2009
(12 janvier 2009) Frank Zampino devient vice-président aux finances de la firme d'ingénierie Dessau.
(Mars 2009) Il est révélé que Frank Zampino a séjourné sur le luxueux yacht d'Antony «Tony» Accurso dans les Caraïbes en janvier 2007 et en février 2008, avant et après que la ville eut octroyé au consortium GéniEau le contrat d'installation des compteurs d'eau dans les commerces et industries situés sur le territoire de la ville de Montréal ; Zampino affirme qu'il a payé pour ces séjours sur le yacht de Accurso, un de ses amis de longue date ; le maire de Montréal, Gérald Tremblay, lui demande de produire les reçus qui prouveraient ces paiements ; après avoir accepté de les lui fournir, il change d'idée lorsque le maire affirme qu'il les publiera.
(4 avril 2009) Dans un article du journal La Presse, Jean-Claude Lauret, directeur général de la compagnie Master Meter Canada Inc. se dit estomaqué par le coût du contrat des compteurs d'eau ; il soutient que ce contrat ne devrait pas coûté plus de 200 millions $.
(6 avril 2009) Le maire Tremblay demande au vérificateur général de la Ville d'examiner comment le contrat des compteurs d'eau a été accordé.
(8 avril 2009) L'Agence Revenu Canada annonce que les compagnies Construction Simard-Beaudry et Louisbourg Construction sont sous enquête, et que 4 des employés de l'Agence sont soupçonnés de participation à un système d'évasion fiscale impliquant les deux compagnies appartenant à Tony Accurso et la compagnie Hyprescon. La GRC arrête 2 employés de l'Agence Revenu Canada soupçonnés d'abus de confiance et de fraude à l'endroit du Gouvernement du Canada.
À la suite de la révélation qu'une enquête de l'Agence de revenu Canada était en cours chez Simard-Beaudry, et à la suite d'une déclaration d'un expert à l'effet que le coût du contrat des compteurs d'eau était excessif, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, suspend l'exécution du contrat et charge le vérificateur général de la ville de faire la lumière sur les procédures qui ont conduit à l'octroi de ce contrat.
(4 avril 2009) Frank Zampino démissionne de son poste de vice-président et chef des opérations financières de la firme d'ingénierie Dessau. Comme président du comité exécutif de la ville de Montréal, il était responsable de la Société de développement et d'habitation de Montréal-SHDM.
(10 mai 2009) Lors d'une entrevue au réseau TVA, Frank Zampino reconnaît avoir commis une «erreur grave» en séjournant à bord du yacht de Tony Accurso, mais il se défend d'être intervenu pour que le consortium GéniEau obtienne le contrat des compteurs d'eau.
(7 juillet 2009) Le quotidien The Gazette révèle que la ville dépensera 67,8 M $ en sus des 355,8 M $ pour le design, la construction et la gestion d'un centre de réception et d'analyse et la production des rapports de consommation d'eau.
(17 août 2009) Simard-Beaudry et Antonio Accurso intentent une poursuite en dommages de 400 000 $ pour les propos qu'ils jugent diffamatoires tenus par l'animateur de radio Benoît Dutrizac sur les ondes du poste 98,5, propriété de Métromédia-CMR, une filiale du Groupe Corus ; le 10 août précédent, lors d'une entrevue entre Dutrizac et Sammy Forcillo, Dutrizac avait affirmé que Simard-Beaudry était une «société incompétente» et il aurait associé Accurso à la «job de cochon» faite à l'échangeur L'Acadie sur l'autoroute Métropolitaine ; lors d'une entrevue avec le conseiller Marcel Tremblay, Dutrizac avait ajouté que Simard-Beaudry devrait être placée «sur la liste noire» de la Ville de Montréal ; selon les termes de la poursuite intentée conjointement contre Dutrizac et Métromédia-CMR , il appert que ce n'est pas Simard-Beaudry qui a réalisé l'échangeur L'Acadie en 2004 mais Constructions Louisbourg et qu'aucun reproche n'a été adressé à l'endroit de cette firme depuis la fin des travaux.
(21 septembre 2009) Le vérificateur général de la Villle de Montréal, Jacques Bergeron, dépose son rapport sur l'affaire des compteurs d'eau ; il conclue que :

1. le coût du contrat est trop élevé et qu'il devrait être annulé.
2. le contrat aurait dû être divisé en plusieurs parties, ce qui aurait permis à plus d'entrepreneurs de soumettre des prix, peu d'entrepreneurs au Québec étant en mesure d'assumer le financement d'un tel montant.
3. la ville n'aurait pas dû confier la supervision du processus de soumissions et la rédaction des devis à des bureaux privés de génie conseil.
4. certaines découvertes dépassant la compétence juridique du vérificateur sont référées à la Sûreté du Québec.
(22 septembre) Dans la foulée du rapport du vérificateur général de la ville, le directeur général de la ville Claude Léger , et le directeur des affaires corporatives et du contentieux de la ville, Robert Cassius de Linval, abandonnent leur poste à la demande du maire Gérald Tremblay. En vertu des contrats qui liaient la ville aux deux directeurs, elle pouvait
1. les congédier,
2. obtenir leur démission, ou
3. résilier les contrats sans cause

Le maire Gérald Tremblay ayant choisi la résiliation sans cause, la ville est tenue de payer des indemnités de départ de 244 494 $ à Claude Léger et de 182 070 $ à Robert Cassius de Linval, chacune représentant une année de salaire.
(29 octobre 2009) Le journal La Presse rappelle que l'annulation du contrat des compteurs d'eau ne relève pas de l'autorité du maire Tremblay, mais du Conseil de la ville de Montréal et de celui de l'agglomération ; ce qui signifie que les travaux ont été suspendus jusqu'à la décision de ces conseils ; des honoraires devront être payés pour les travaux entrepris ou déjà exécutés ; les coûts des travaux déjà exécutés et ceux des engagements que la ville devra assumer si le contrat est annulé par les conseils :
payer les propriétaires pour préparer l'installation des compteurs = 1,253 millions $
payer BPR pour la supervision de la préparation par les propritaires = 1,2 millions $
payer BPR 1,5 M $ pour les études des systèmes souterrains de conduites d'eau = 1,5 millions $.

2010 (12 juillet 2010) GÉNIeau envoie une facture de 33,8 millions $ dont 3 millions $ représentant la pénalité de 1 % de la valeur résiduelle du contrat au moment de la rupture.
2014 (9 avril 2014) L'unité permanente anti corruption-UPAC exécute des mandats de perquisition aux résidences de deux hauts fonctionnaires de la Ville de Montréal et chez 2 des patrons de la construction de la province de Québec ; les mandats de perquisition visaient Robert Abdallah, Tony Accurso, Paolo Catania, Franco Minuccici, ex bras droit de Tony Accurso, Bernard Trépanier et Frank Zampino et en relation avec le controversé contrat des compteurs d'eau.
(Source : The Gazette, 10 avril 2014, page A4)
2018 (27 septembre 2018) The Gazette rapporte que la ville de Montréal intente une poursuite de 14 millions $ conte Frank Zampino, Tony Accurso. Paolo Catania et 11 autres personnes à cause de la collusion qui aurait existé en2007 lors de l'octroi du contrat des compteurs d'eau. La ville veut récupérer 10,2 millions $ qu'elle avait été requise de payer comme pénalité pour l'annulation des travaux par l'administration du maire Gérald Tremblay en 2009 à la suite de la découverte d'irrégularités dans l'ioctroi du contrat ; la ville demande en plus 3,1 millions $ en pénalités. (Source : The Gazette, 27 septembre 2018, page A5)

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